L’arthrite et la santé des femmes : ce que vous devez savoir
Plus de six millions de Canadiens sont atteints d’une forme d’arthrite ou d’une autre, et près de 60 % des personnes touchées sont des femmes.
« On pense que les hormones et les chromosomes X supplémentaires chez les femmes jouent un rôle significatif », explique la Dre Neda Amiri, une rhumatologue, une chercheuse clinicienne chez Arthrite-recherche Canada, et la directrice de la Pregnancy and Rheumatic Diseases Clinic en Colombie-Britannique. « Certaines formes d’arthrite, notamment la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et la maladie de Sjögren, touchent davantage les femmes que les hommes. »
La Dre Amiri ajoute que, pour la polyarthrite rhumatoïde, il semble y avoir deux pics en termes de probabilité de diagnostic chez les femmes. L’un se situe pendant la grossesse et après l’accouchement, et l’autre juste après la ménopause.
« Ces pics sont liés aux changements hormonaux qui se produisent dans l’organisme », explique la Dre Amiri. « Mais nous ne connaissons pas encore tous les facteurs qui entrent en ligne de compte. »
De nombreuses femmes souffrant de différentes formes d’arthrite inflammatoire disent également remarquer des changements au niveau des symptômes, des douleurs articulaires, de la fatigue et de la santé mentale, entre autres, au cours de leurs cycles mensuels, selon que les niveaux d’œstrogènes augmentent ou diminuent.
Les symptômes de l’arthrite et les changements hormonaux
Des femmes atteintes de différentes sortes d’arthrite font partie du Conseil consultatif des patients atteints d’arthrite d’Arthrite-recherche Canada.
Trois membres du conseil décrivent l’impact de leurs cycles mensuels sur leurs symptômes :
Nikki a 34 ans et elle souffre de polyarthrite rhumatoïde depuis qu’elle a 19 ans. « Je remarque une différence dans mon niveau de fatigue et mes douleurs et, quelques jours avant mes règles, je commence à avoir des poussées. Cela dure entre un et quatre jours en moyenne. »
Sandra est atteinte de spondylarthrite axiale et déclare : « Une fatigue extrême m’assomme pendant mon cycle menstruel, et je remarque également une augmentation significative de la douleur dans le bas du dos. Il m’arrive aussi de ressentir des crampes très douloureuses dans la jambe droite avant le début de mes règles. »
Eileen a 38 ans et elle vit avec la polyarthrite rhumatoïde depuis près de dix ans. Elle dit qu’elle n’a pas besoin de calendrier pour prévoir le début de ses règles. « Avant leur apparition, je me sens mal à l’aise, je suis ballonnée, j’ai des gaz et j’ai envie de manger des choses qui favorisent l’inflammation. J’ai des poussées d’acné et je deviens plus irritable. Mon sommeil est également perturbé par des sueurs nocturnes et de l’anxiété, ce qui aggrave les symptômes de l’arthrite pendant la journée. »
Charlotte, qui souffre également de polyarthrite rhumatoïde, partage cet avis. « Les menstruations ont sans aucun doute un impact sur mon arthrite. Au cours d’un mois normal, le seul moment où je dois adapter mon mode de vie à cause de l’arthrite, c’est pendant la période précédant mes règles. Mes mains et mes pieds sont les articulations les plus touchées, et je prends souvent des AINS pour m’aider pendant cette période. Il m’a fallu un certain temps après le diagnostic pour comprendre la relation qui existe entre les symptômes de l’arthrite et mon cycle menstruel. Je pense que si cela m’a pris du temps, c’est en partie parce que personne dans mon équipe soignante n’a suggéré qu’il pouvait y avoir un lien entre les deux. »
Charlotte ajoute qu’il peut être difficile de faire la différence entre les douleurs liées à l’arthrite et les symptômes prémenstruels habituels. Elle recommande d’évaluer les douleurs en fonction des changements hormonaux qui se produisent chaque mois pour mieux comprendre le lien.
« Pour moi, les douleurs articulaires sont souvent les premiers symptômes prémenstruels : elles m’indiquent que mes règles vont commencer dans environ une semaine », dit-elle. « Il est utile de savoir à peu près dans quelle phase du cycle on se trouve. »
Les moyens de contraception ont un impact significatif sur l’arthrite
Si de nombreux médicaments contre l’arthrite sont sans danger pour les femmes pendant la grossesse, d’autres (le méthotrexate, le mycophénolate (MMF) et la cyclophosphamide) ne le sont pas. 50 % des grossesses n’étant pas planifiées, il est extrêmement important pour les femmes qui souffrent d’arthrite de trouver le moyen de contraception qui leur convient le mieux.
La Dre Amiri et les membres du Conseil consultatif des patients atteints d’arthrite d’Arthrite-recherche Canada se prononcent sur la question :
Toutes les femmes devraient pouvoir utiliser des moyens de contraception dits de barrière, tels que les condoms et les dispositifs intra-utérins (comme les stérilets Mirena et Kyleena). Il existe également des stérilets en cuivre, mais ils ont tendance à provoquer davantage de saignements. Je ne les recommande pas à nos patientes. Les stérilets sont une des formes de contraception les plus fiables. L’abstinence, ainsi que les méthodes dites de retrait ou de calendrier, ne sont pas fiables.
Les patientes atteintes du syndrome des anticorps antiphospholipides ou du lupus, et dont l’activité de la maladie est modérée ou élevée, ne sont peut-être pas de bonnes candidates pour les contraceptifs oraux à base d’hormones. Les patientes atteintes de lupus devraient donc consulter leur rhumatologue et leur médecin pour parler des options à privilégier. Nous voulons nous assurer qu’un contraceptif oral n’augmentera pas l’activité de la maladie. Il est également très important de souligner que les patientes dont le lupus est très actif peuvent être plus sujettes à la formation de caillots de sang.
Il est également important de mentionner que tout le monde peut utiliser une méthode de contraception d’urgence, comme le Plan B, même les patientes présentant une activité élevée de la maladie ou souffrant du syndrome des anticorps antiphospholipides.
En général, il n’y a pas d’interaction entre les médicaments et les contraceptifs. Cependant, les patientes sous mycophénolate mofétil (MMF) ou sous cellcept, qui utilisent des contraceptifs oraux à base d’hormones, doivent utiliser un deuxième moyen de contraception car le MMF peut diminuer l’efficacité des contraceptifs oraux.
Les patientes devraient toujours aborder la question avec leur médecin, pour comprendre l’efficacité relative de chaque moyen de contraception et pour trouver la méthode de contraception qui leur conviendra le mieux.
Jusqu’à récemment, Charlotte avait un stérilet et, pendant de nombreuses années, elle était convaincue qu’il atténuait les symptômes de son arthrite.
« J’ai remarqué qu’au fil des années mes symptômes empiraient au fur et à mesure que les hormones du stérilet diminuaient. J’ai connu quelques mois sans douleur l’année dernière, que j’attribue au remplacement de mon ancien stérilet par un nouveau modèle contenant plus d’hormones », explique-t-elle. « Récemment, on me l’a retiré, et j’ai immédiatement eu une poussée. Mes douleurs arthritiques associées au syndrome prémenstruel ont également augmenté. »
Un corpus croissant de recherches sur l’arthrite et la grossesse
Il y a des années, on déconseillait aux femmes atteintes de certaines formes d’arthrite d’avoir des enfants à cause des complications potentielles. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la recherche et aux avancées thérapeutiques, ce n’est plus le cas.
« L’arthrite n’a pas à vous définir, ou à interférer avec vos projets professionnels ou votre envie de fonder une famille », souligne la Dre Amiri. « Nous savons maintenant que si nous offrons aux patientes des traitements efficaces, elles ont de grandes chances de voir leur grossesse se dérouler normalement et d’avoir des enfants en bonne santé. »
Selon la Dre Mary De Vera, une chercheuse scientifique chez Arthrite-recherche Canada, les femmes atteintes d’arthrite qui ont l’intention de tomber enceintes devraient parler à leur rhumatologue le plus tôt possible.
« Les femmes doivent prendre des médicaments qui sont considérés comme inoffensifs pour la grossesse, et avoir arrêté les médicaments contre-indiqués, c’est-à-dire ceux dont on n’est pas sûr qu’ils soient sans danger ou ceux dont on sait qu’ils peuvent nuire au développement du fœtus », déclare la Dre De Vera. « Le méthotrexate, par exemple, est connu pour provoquer des malformations congénitales et augmenter le risque de fausse couche; il ne peut donc pas faire partie du traitement pendant la grossesse. »
Les femmes ne devraient jamais arrêter leur traitement sans avoir discuté des options avec leur rhumatologue, car cela pourrait provoquer des poussées qui, pendant la grossesse, peuvent affecter le déroulement et l’issue de la grossesse.
Au cours des dix dernières années, l’équipe de la Dre De Vera a mené des recherches sur les médicaments et leurs effets sur les mères et les bébés. Ces recherches ont montré que les médicaments biologiques ne sont pas responsables des accouchements prématurés, d’un faible poids à la naissance par rapport à l’âge gestationnel, d’un risque accru d’infections post-partum ou d’infections chez les nourrissons au cours des douze premiers mois.
« Lorsque nous avons entamé cette étude, il n’y avait pas beaucoup de données sur les médicaments biologiques et la grossesse. Il s’agit de la plus importante recherche sur la grossesse et l’arthrite que nous ayons menée à ce jour, et elle rassure les gens », souligne la Dre De Vera.
À l’avenir, la Dre De Vera se penchera sur les biosimilaires et l’utilisation de thérapies ciblées pendant la grossesse.
« Nous avons la chance de disposer d’un plus grand nombre de traitements, mais à mesure qu’ils deviennent disponibles, il est nécessaire de comprendre comment ils affectent les femmes pendant la grossesse », explique-t-elle.
Les femmes chez qui on a diagnostiqué des formes d’arthrite inflammatoire et qui souhaitent fonder une famille peuvent également s’inquiéter de la composante génétique, mais la Dre Amiri explique que, même s’il existe une composante génétique, de nombreux facteurs doivent être réunis pour qu’une personne développe des maladies comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus.
« Si vous souffrez d’arthrite inflammatoire, cela ne signifie pas que vous transmettrez la maladie à votre enfant », précise la Dre Amiri. « Le résultat le plus probable est que votre enfant sera en bonne santé. »
Chaque grossesse est unique, et ses effets sur les symptômes de l’arthrite le sont aussi
De nombreux changements se produisent dans le corps pendant la grossesse. Certaines femmes, par exemple, voient les symptômes de l’arthrite s’atténuer en raison de l’augmentation des niveaux d’hormones comme l’œstrogène et la progestérone. Ces hormones ont des propriétés anti-inflammatoires qui peuvent réduire l’inflammation et atténuer la douleur dans les articulations.
L’effort physique lié au fait de porter un bébé, la prise de poids et les changements de posture peuvent cependant exercer des pressions supplémentaires sur les articulations et aggraver les symptômes.
Des symptômes de l’arthrite pourraient aussi apparaître pendant la grossesse chez des femmes qui ne souffrent pas de la maladie. Les douleurs musculaires et articulaires peuvent être un aspect normal de la grossesse, car les articulations se relâchent et la prise de poids impose une plus grande pression sur les genoux. Pour de nombreuses femmes, ces symptômes disparaissent après la naissance. Pour d’autres, la période post-partum pourrait marquer l’apparition d’une forme d’arthrite inflammatoire.
Eileen fait partie de ces personnes. Elle a été victime de douleurs articulaires, d’enflure, de fatigue et de troubles du sommeil vers la fin de sa grossesse, mais elle s’attendait à ce que ces symptômes disparaissent après l’accouchement. Cela n’a pas été le cas.
« Après le deuxième anniversaire de mon fils, quelque chose m’a dit que je devais parler à mon médecin de famille de ce que je vivais. C’est ainsi que j’ai appris que j’étais atteinte de polyarthrite rhumatoïde », explique-t-elle. « Je sais que beaucoup de femmes reçoivent un diagnostic d’arthrite lorsqu’elles sont en âge d’avoir des enfants, mais le diagnostic a été un choc pour moi à l’époque. Je ne pensais pas que je pouvais avoir de l’arthrite à 29 ans. »
« Nous ne savons pas pourquoi certaines femmes commencent à souffrir d’arthrite après leur grossesse, mais nous pensons que les changements hormonaux jouent un rôle important. Ces changements hormonaux vont de pair avec des changements qui se produisent au sein du système immunitaire », explique la Dre Amiri.
L’arthrite complique la situation au moment de la ménopause
Tout comme pendant les cycles menstruels et la grossesse, la ménopause provoque des changements hormonaux importants qui peuvent avoir un impact sur les symptômes de l’arthrite. La baisse du niveau d’œstrogènes, par exemple, peut entraîner une augmentation des douleurs et des raideurs articulaires. L’hormonothérapie substitutive peut être envisagée pour certaines femmes afin de les aider à gérer ces symptômes.
Christine, une des membres du Conseil consultatif des patients atteints d’arthrite d’Arthrite-recherche Canada, est actuellement au beau milieu de la ménopause, et elle croit que sa ménopause est arrivée plus tôt, au milieu de la quarantaine, à cause des médicaments qu’elle prend contre l’arthrite.
« J’ai eu beaucoup de bouffées de chaleur toutes ces années, et j’ai très chaud au lit », dit-elle. « J’ai besoin de draps en coton, d’une couette en soie et d’une literie qui ne soit pas trop lourde car je ne peux pas supporter de poids sur mon corps. »
Christine ajoute que sa polyarthrite rhumatoïde rend ses yeux, son nez, sa bouche et son vagin plus secs, ce qui rend les rapports sexuels très douloureux.
Pour gérer les symptômes de l’arthrite pendant la ménopause, Christine a souvent recours à des bains chauds avec des sels d’Epsom et de la lavande.
« Si la douleur devient trop intense, je dois cependant me résoudre à prendre un analgésique pendant une nuit pour me remettre d’aplomb, et ensuite je suis tranquille », explique-t-elle.
L’arthrite inflammatoire et le risque de cancer
En général, il semble que les personnes qui souffrent d’arthrite inflammatoire sont plus souvent frappées par un cancer.
« Nous en apprenons davantage sur les effets de l’arthrite inflammatoire et sur son association avec un risque accru de cancer », déclare la Dre Amiri. « Nous savons que les patientes atteintes de lupus présentent un risque plus élevé de cancer du col de l’utérus, et c’est pourquoi nous les soumettons à un dépistage plus
fréquent. »
Une étude récente a établi une relation de cause à effet entre la polyarthrite rhumatoïde et le cancer du col de l’utérus. Elle a également montré que l’IL-18, essentiel dans la défense contre les infections, pourrait jouer un rôle important dans l’augmentation du risque de cancer du col de l’utérus chez les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde.
« Avec de telles données, nous devrions traiter les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde de la même manière que les patientes atteintes de lupus, en particulier en ce qui concerne la fréquence des tests de dépistage du cancer du col de l’utérus », précise la Dre Amiri.
Eileen, qui souffre de polyarthrite rhumatoïde, dit qu’elle est suivie de près pour le cancer du col de l’utérus, car des cellules de stade trois ont été repérées lors de son frottis cervical habituel.
« On m’a dit que je cours un risque plus élevé de cancer du col de l’utérus en raison de ma polyarthrite rhumatoïde, et c’est pourquoi je reste à jour dans mon programme de dépistage du cancer du col de l’utérus », explique-t-elle. « Il est très important de surveiller la situation de près et de se faire vacciner contre le papillomavirus, mais il faut aussi en parler avec son rhumatologue et son gynécologue, car nos médicaments pourraient jouer un rôle important. »
Votre médecin est votre source d’information la plus fiable
Dans l’ensemble, la santé des femmes à différents stades de leur vie peut influer sur la façon de prendre en charge les symptômes de l’arthrite. Les femmes doivent être proactives et comprendre comment ces fluctuations hormonales peuvent avoir un impact sur leur arthrite. Elles doivent également travailler avec leur équipe soignante pour élaborer un plan de traitement individualisé.
En s’informant auprès de sources fiables et en gérant activement leurs symptômes, les femmes peuvent améliorer leur qualité de vie et relever efficacement les défis posés par l’arthrite et les changements hormonaux.
« Nous déconseillons aux gens de lire des blogs et de croire aux conseils anecdotiques en ligne, et nous les encourageons à utiliser des sources d’information
fiables », souligne la Dre Amiri.