Jeffrey Pop chante les louanges de l’arthroplastie de la hanche à 48 ans
Jeffrey McCloy, également connu sous le nom de Jeffrey Pop, avait l’habitude de vivre à cent à l’heure. Jeff était non seulement un musicien punk canadien réputé, qui avait enregistré un nombre incalculable de disques, mais c’était aussi un skateur passionné et un footballeur plein de talent. En d’autres mots, c’était un homme très actif, jusqu’à ce que l’arthrite vienne tout bouleverser.
« Je me suis cassé la jambe en jouant au foot, une fracture assez grave », raconte Jeffrey. « J’ai mis un an à m’en remettre, mais je ne pouvais pas me débarrasser d’une certaine gêne et de douleurs persistantes. »
À l’époque, Jeffrey ne savait pas que l’arthrite était à l’origine de ces symptômes. « J’ai fait tellement de sport pendant des années que mon arthrite restait en arrière-plan », explique-t-il. « Après ma blessure, je n’étais plus en aussi bonne forme, et la situation s’est rapidement détériorée. »
À 40 ans, Jeffrey est allé voir un médecin du sport qui lui a appris qu’il souffrait d’arthrose. Il s’est vite inquiété de l’évolution que pourrait avoir la maladie à cause de son âge.
Les douleurs ont commencé dans les genoux, puis elles se sont déplacées vers les hanches, et il a dû changer sa façon de marcher. « Il y avait des frottements et des craquements », raconte-t-il. Jeffrey a alors dû arrêter de faire du skateboard, puis le foot a suivi. Finalement, il a dû se résoudre à utiliser des cannes pour marcher, et sa santé mentale en a payé le prix.
« J’en voulais à mon corps », dit-il. « Je suis passé en très peu de temps de quelqu’un qui était incroyablement en forme et qui menait une vie saine, qui ne buvait même pas, à quelqu’un en situation de handicap à cause d’une blessure sportive, qui devait utiliser deux cannes pour se déplacer. » La situation s’est aggravée pendant la pandémie, et lorsque le monde a enfin rouvert ses portes, les personnes qui n’avaient pas vu Jeffrey depuis un certain temps ont été choquées par la rapidité de ce qui lui arrivait.
L’arthrite l’a éloigné de beaucoup de choses, y compris de la musique. « J’ai été obligé de me déconnecter de mon monde », poursuit Jeffrey, lui qui avait chanté et joué de la guitare et de la basse pour de nombreux groupes punk. « Jouer de la musique était devenu un véritable calvaire, particulièrement à cause des volumes sonores », ajoute-t-il.
Après des années de lutte contre ses douleurs chroniques, et des bouleversements à tous les niveaux, Jeffrey s’est fait remplacer les deux hanches en 2023, à 48 ans. Sa convalescence a été longue, mais Jeffrey refait maintenant du skateboard et il rejoue de la musique, avec une appréciation renouvelée pour sa santé. Nous nous sommes entretenus avec lui pour en savoir plus sur son diagnostic et sur l’impact que la maladie a eu sur sa vie d’athlète et de musicien.
Que saviez-vous de l’arthrite avant votre diagnostic?
Je ne savais que très peu de choses sur l’arthrite. Mes grands-parents en étaient atteints. Certains membres de ma famille en avaient dans les doigts et dans les mains, et ma mère en avait dans les genoux. Personne dans ma famille immédiate n’en avait souffert aussi tôt dans la vie, et j’ai eu l’impression que je n’avais personne à qui en parler.
Quels ont été les symptômes les plus surprenants de la maladie?
Lorsqu’une moto bruyante passe à côté de nous, on ne se rend pas compte de l’intensité des vibrations qui l’accompagnent, jusqu’à ce qu’on souffre d’arthrite. Je ressentais des douleurs dans mes hanches à cause des vibrations dues au bruit. Lorsque je jouais de la musique, j’ai commencé à ressentir l’impact des sons parce que rien n’arrêtait les vibrations dans mon corps. La douleur était partout dans mes hanches. Je ne pouvais plus faire de spectacles.
Comment avez-vous pris la décision de vous faire remplacer les deux hanches?
J’ai vu un premier chirurgien qui m’a dit que j’étais trop jeune pour me faire opérer et que ce n’était pas possible que je souffre autant. J’ai alors décidé d’aller voir un autre chirurgien plus jeune. Je me souviens d’être dans la salle d’attente et de voir le médecin examiner mes radiographies. Il n’arrêtait pas de vouloir confirmer mon nom et mon âge, pensant qu’il s’était trompé de radiographies. Il était choqué par ces radiographies, compte tenu de mon âge, et ne comprenait pas comment je pouvais encore me déplacer. Les médecins ont dit que si j’avais attendu plus longtemps pour me faire opérer, il n’y aurait rien eu pour visser les prothèses. Le premier médecin avait décidé d’attendre. J’aurais pu rester coincé dans un fauteuil roulant le reste de ma vie si je n’avais pas demandé un deuxième avis. Bien que l’opération ait été lourde, tout comme la convalescence, elle a changé ma vie. Pour moi, il était plus logique de me faire opérer et de vivre ma vie pendant que j’étais encore jeune.
Quand avez-vous su que vous aviez pris la bonne décision concernant l’opération?
Après l’opération, la douleur a disparu vraiment rapidement! Je peux maintenant faire du skateboard tous les deux ou trois jours. Je me souviens avoir eu peur la première fois que je suis remonté sur un skateboard après l’opération. La peur est une drôle de chose. Je commençais à voir le bout du tunnel, mais j’avais peur que mes prothèses me laissent tomber. En réalité, les prothèses sont plus solides que mes anciennes articulations. La première fois que je suis tombé, je me suis dit : « Je crois que ça va aller. » Je me suis relevé et cela m’a libéré. Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens se sentent bien après un slam en skateboard, mais ma chute a brisé la glace. C’était ce dont j’avais besoin pour repartir du bon pied après mon opération.
Quel a été l’impact de votre arthrite sur votre vie de musicien?
La douleur dominait tout. Je ne pouvais pas jouer, répéter, me tenir debout correctement ou être dans une pièce bruyante. J’enregistrais moi-même mes chansons, mais je ne les faisais écouter à personne. Tout le côté social, un aspect important de la musique, a été entaché par l’arthrite. Cela m’a rendu beaucoup plus sensible aux personnes en situation de handicap.
Comment l’arthrite a-t-elle affecté votre plaisir et votre participation aux concerts punk?
Les choses ont vraiment changé pour moi lorsque j’ai commencé à utiliser des cannes pour marcher. Aller à un spectacle, jouer de la musique ou s’intéresser à l’art ne devrait pas être un moment où on pense à soi, tout devrait au contraire être axé sur l’expérience vécue. Je voulais parler des spectacles et de la musique, mais tout le monde voulait parler de mon handicap. Cela m’a empêché d’apprécier la musique comme avant et m’a forcé à me concentrer sur quelque chose auquel j’essayais de ne pas penser. L’arthrite m’a ôté toute joie de jouer dans des concerts. J’ai eu beaucoup de mal à l’accepter.
Comment l’arthrite vous a-t-elle changé en tant que personne?
L’arthrite m’a forcé à avoir de l’empathie pour les personnes vivant avec un handicap, parce que j’en faisais l’expérience et que je le vivais dans mon propre corps. L’arthrite est une maladie très curieuse, parce qu’elle est invisible : on ne la voit pas. Lorsqu’on est atteint d’arthrite, on est obligé de ralentir, parce que notre corps ralentit, mais les gens autour de nous continuent de vivre à un rythme effréné. Souvent, lorsque vous marchez dans la rue et que quelqu’un vous demande un peu d’argent, vous l’ignorez et vous continuez votre chemin. Avec l’arthrite, vous n’avez plus la possibilité de passer à côté des gens. Il me fallait 45 minutes pour parcourir quelques pâtés de maisons. Tous les gens autour de moi continuaient à marcher au même rythme. Soudain, les personnes que j’avais l’habitude d’éviter sont devenues celles qui me parlaient. Et elles ne voulaient pas parler de mes problèmes, elles voulaient juste parler. Maintenant que je vois les choses différemment, j’essaie de faire plus attention aux gens et d’être plus conscient du monde qui m’entoure. L’arthrite a complètement changé ma façon de voir les gens. Lorsque vous êtes obligé de vous concentrer sur vos douleurs, vous avez une vision insulaire des choses. Vous vous concentrez sur vous, et il est alors difficile de voir ce qui se passe autour de vous.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes atteints d’arthrite?
On n’est pas mort tant qu’on n’est pas mort. Il est si facile de se laisser prendre au piège des idées négatives. Je ne mentirai pas en disant que la chirurgie est une solution toute simple, car ce n’est pas le cas. Lorsque vous vivez des moments difficiles, vous n’avez pas toujours envie d’entendre des messages positifs, en particulier de la part de quelqu’un qui s’est rétabli. Je ne comparerai jamais ma propre expérience à celle de quelqu’un d’autre. En revanche, je dirai qu’il faut insister et défendre ses intérêts lorsqu’on parle à un médecin. Le système médical n’est pas parfait. Ce que les médecins ont fait pour moi est miraculeux, mais j’ai dû insister lourdement, ce qui n’a pas été facile. Si je n’avais pas insisté, je n’aurais pas été opéré, je ne jouerais pas de musique et je serais dans un fauteuil roulant en attendant une opération. Si vous souffrez d’un type d’arthrite que la chirurgie peut soulager et que vous êtes jeune, ne laissez pas les médecins vous dire que vous êtes trop jeune. C’est vous qui devez vivre avec l’arthrite et ses symptômes au quotidien, pas eux.
Qu’aimeriez-vous que les gens sachent à propos de l’arthrite?
L’idée que l’arthrite n’est pas une maladie grave est choquante. Chaque fois que je vois quelqu’un boiter, je me demande s’il est atteint d’arthrite. Peu de gens parlent de l’invalidité due à l’arthrite ou des conséquences qu’elle peut avoir sur la vie, en particulier pour les jeunes. C’est une maladie qui peut toucher les gens lorsqu’ils sont encore jeunes, mais nous n’en parlons pas. Il faut lancer cette conversation.
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