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Quoi? Je peux souffrir d’arthrose dans la trentaine!?

Les blessures sportives et l’arthrose chez les jeunes : un entretien avec la Dre Jackie Whittaker

 

La Dre Jackie Whittaker s’est récemment jointe à Arthrite-recherche Canada en tant que chercheuse scientifique en réadaptation musculo-squelettique. Ses travaux portent principalement sur le lien entre les blessures sportives et l’arthrose précoce chez les jeunes, ainsi que sur la prévention de l’arthrose. Des millions de Canadiens vivent actuellement avec les douleurs et l’incapacité liées à cette maladie, et on estime qu’un Canadien sur quatre sera atteint d’arthrose d’ici 2035. Nous avons rencontré la Dre Whittaker pour en apprendre davantage sur ce domaine de recherche passionnant.

Quels sont vos principaux centres d’intérêt en recherche?

 

Mes recherches sont axées sur la réduction des facteurs de risque de l’arthrose après qu’un jeune sportif se soit blessé à un genou. Je veux que les jeunes qui se font mal aux genoux en faisant du sport soient mieux sensibilisés au problème. Ils doivent savoir qu’ils risquent de souffrir d’arthrose, mais aussi prendre conscience qu’ils peuvent prendre des mesures pour la prévenir.

Le soccer est le sport où la participation est la plus élevée au Canada. Plus d’enfants jouent au soccer qu’au hockey. C’est aussi un sport avec un risque élevé de blessures. Nous avons de très bons programmes de prévention des blessures, comme le programme de prévention des blessures 11+, par exemple. Nous savons que ces programmes peuvent réduire les blessures aux genoux d’environ 50 %. Ce que nous ignorons, c’est ce qu’on peut faire après une blessure pour minimiser le risque de souffrir d’arthrose.

Quels sont certains des facteurs qui contribuent à l’arthrose?

 

Nous savons que l’obésité et la faiblesse musculaire sont des facteurs de risque. En théorie, des muscles forts sont donc une bonne chose. Nous savons aussi que les jeunes qui se blessent prennent du poids et perdent de la masse musculaire. Le message le plus important est donc qu’il faut rester actif après une blessure. Le gonflement et la douleur ne sont pas de vrais signaux d’alarme. Le vrai problème, c’est lorsqu’on est de moins en moins actif à cause de ses genoux.

Ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est arrêter complètement le sport ou l’activité physique. Cela présente des défis. Si vous êtes un athlète de haut niveau, vous ne voudrez vraisemblablement pas vous limiter au sport récréatif. Dans de nombreux cas, les gens ont besoin de conseils pour déterminer ce qui remplacera le besoin d’activité physique et de compétition auquel le sport les avait habitués. En tant que professionnels de la santé, nous devons trouver le moyen de leur communiquer les bons renseignements, car les jeunes ne demandent souvent pas de suivi médical une fois que leur blessure est guérie, même s’ils risquent de souffrir d’arthrose.

Mais l’arthrose n’est-elle pas une maladie de personnes âgées?

 

Non, il y a des personnes dans la trentaine qui souffrent d’arthrose. Et souvent, ceux qui en sont atteints à un jeune âge sont des athlètes ou des gens qui font du sport. Certains de nos athlètes de niveau national souffrent d’arthrose.

Que peut-on faire pour empêcher les gens de souffrir d’arthrose après une blessure sportive?

 

La grande question est la suivante : « Comment peut-on amener les plus jeunes à hiérarchiser les conséquences et les résultats à long terme? » Si vous déchirez votre ligament croisé antérieur, vous irez voir un physio, un médecin sportif et un chirurgien orthopédiste pour décider si vous devez subir une chirurgie de reconstruction ou non. Si vous vous faites opérer, vous risquez quand même de souffrir d’arthrose, ou peut-être pas. À ce stade, il faudrait donc parler du risque accru d’arthrose après une blessure. Un professionnel de la santé doit en parler au patient, sans pour autant tout voir en noir. Il y a un risque, mais l’arthrose n’est pas inévitable. Il est également important de comprendre qu’on peut toujours faire du sport après une blessure, même si on souffre d’arthrose du genou.

Qui, selon vous, devrait assumer ce rôle dans le système de santé?

 

Je ne suis pas certaine que les médecins sportifs ou d’autres spécialistes aient ces conversations avec les jeunes. Ils sont souvent pris par le temps. Cela pourrait donc être le rôle des physiothérapeutes. Pendant la première année après une blessure, nous voulons que les patients retrouvent leurs fonctions. C’est le plus important. Ensuite, ils reprennent leur vie, et nous ne les revoyons pas avant qu’ils aient 30 ou 40 ans, lorsque les premiers symptômes de l’arthrose font leur apparition. Comment rejoindre ces gens entre le moment où la blessure est guérie et les premiers signes de l’arthrose? Ils doivent savoir qu’ils ne doivent pas arrêter de faire de l’exercice parce qu’ils pensent qu’il n’y a pas d’autre alternative. Des changements doivent intervenir chez les patients et dans le système de santé. Les jeunes ont besoin de savoir qu’ils doivent chercher de l’aide dès qu’ils deviennent moins actifs. La dépression due à l’impossibilité de faire du sport au même niveau est parfois un indice. D’un autre côté, notre système de santé doit être reconfiguré pour accompagner les jeunes sportifs lorsque leur blessure est guérie.

Quelles ont été les conclusions les plus intéressantes de vos recherches sur le lien entre les blessures sportives et l’apparition de l’arthrose chez les jeunes?

 

Nous avons constaté que 20 % des personnes de 15 à 26 ans, qui ont subi une blessure au genou avant l’âge de 18 ans, souffrent d’arthrose précoce. Leurs muscles sont plus faibles. Ils sont moins actifs. Ils ont pris du poids. Tous ces facteurs augmentent le risque d’arthrose. Ces personnes sont jeunes ou dans la vingtaine, et elles vont vivre jusqu’à 80 ou 90 ans en ayant à gérer leur arthrose.

Si vous avez subi une blessure sportive et si vous voulez comprendre ce que vous pouvez faire pour réduire le risque d’arthrose, vous découvrirez que des muscles forts dans les jambes, une activité physique régulière et un poids sain sont essentiels. L’activité physique peut s’avérer difficile lorsqu’on souffre de douleurs aux genoux, mais ce n’est pas parce qu’elle est difficile qu’il faut tout arrêter. Une déchirure du ligament croisé antérieur ne devrait pas vous empêcher de faire des mouvements et de rester actif.  Nous savons que faire de l’exercice permet de renforcer le cartilage. Tonifiez vos muscles, faites des exercices de flexion et d’extension et des étirements, et suivez les instructions de votre médecin pour redonner de la force à vos genoux.

Pouvez-vous nous parler des nouvelles recherches qui sont envisagées à l’heure actuelle?

 

Lorsque nous intervenons et que nous essayons de trouver des traitements pour prévenir l’arthrose, nous ne nous limitons pas à traiter l’aspect physique. Nous devons également prendre en compte les aspects psychologiques et sociaux. Si un patient a peur de se reblesser ou s’il a l’impression d’avoir perdu son identité d’athlète, l’impact sur sa vie sera plus conséquent qu’un gonflement ou une faiblesse musculaire. C’est un domaine de recherche sur lequel nous travaillons.

Les jeunes qui subissent des blessures sportives pratiquent souvent des sports d’équipe. Lorsqu’ils se blessent, ils ne peuvent plus s’entraîner et ne voient plus leurs coéquipiers. L’impact est considérable. Il est vraiment important que les jeunes soient impliqués dans les décisions qui les concernent. Ils ont besoin de sentir qu’ils sont autonomes et que ce ne sont pas leurs parents, leur physiothérapeute ou leur chirurgien qui prendront la décision pour eux. Les jeunes ont souvent l’impression de ne pas assez contrôler ce qui se passe. Un être humain ne se résume pas à des muscles et des articulations. Nous devons considérer l’élément social. On ne peut pas s’attendre à ce qu’un jeune s’épanouisse s’il est maintenu à l’écart de son sport ou du groupe auquel il s’identifie.

Qu’attendez-vous le plus de votre travail chez Arthrite-recherche Canada?

 

Je suis enchantée à l’idée de partager avec Arthrite-recherche Canada une nouvelle façon de considérer l’arthrose, notamment en matière de prévention. J’ai hâte de collaborer avec les chercheurs scientifiques extraordinaires de cet institut de recherche sur l’arthrite aussi bien établi et j’ai aussi une grande soif d’apprendre.

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