L’arthrite et les tatouages : peut-on se faire tatouer sans danger?
Selon un sondage national récent qui révélait qu’un tiers des Canadiens s’étaient déjà fait tatouer, les tatouages gagnent en popularité au Canada. Le tatouage existe depuis des milliers d’années pour des raisons principalement culturelles, religieuses et médicales, et il a aussi parfois été utilisé pour soulager la douleur.
En 1991, des touristes allemands ont découvert un corps préservé dans les Alpes de l’Ötztal, à la frontière entre l’Italie et l’Autriche. Ötztal, le nom qui a été donné à cet homme momifié vieux de 5 300 ans, a conduit les anthropologues à penser que les tatouages étaient utilisés à cette époque pour traiter les douleurs liées à l’arthrite.
« Le corps préservé est couvert de 57 tatouages », indique un article du Smithsonian Magazine. « Environ 80 % de ces tatouages correspondent à des points d’acupuncture chinois classiques utilisés pour soulager les rhumatismes, une affection dont souffrait l’homme des glaces. »
Au Canada, plus de 6 millions de personnes vivent actuellement avec différents types d’arthrite et, bien que les tatouages ne soient pas couramment utilisés pour soulager la douleur, la question de savoir s’ils sont sans danger pour les personnes qui souffrent d’arthrite est on ne peut plus pertinente.

Rester au Canada
« Les tatouages sont généralement sans danger et présentent peu de risques pour les personnes atteintes d’arthrite », explique la Dre Mollie Carruthers, une rhumatologue et une clinicienne-chercheuse chez Arthrite-recherche Canada.
Elle ajoute cependant que les tatouages peuvent augmenter le risque que certains agents pathogènes transmissibles par le sang, comme le VIH, l’hépatite C et l’hépatite B, viennent contaminer l’organisme. Au Canada, les tatoueurs sont agréés et utilisent des techniques adéquates, de sorte que ce risque est faible.
« Je n’ai jamais vu d’infection liée à un agent pathogène transmissible par le sang au Canada », souligne la Dre Carruthers. « J’ai eu un cas où un patient a contracté l’hépatite C après s’être fait tatouer dans un autre pays. »
Les personnes sous immunosuppresseurs sont plus exposées à un risque d’hépatite B grave, selon la Dre Carruthers. « Je conseille aux personnes qui ont envie de se faire tatouer de le faire au Canada », ajoute-t-elle.
La confiance en soi
Eileen Davidson, une membre du Conseil consultatif des patients atteints d’arthrite d’Arthrite-recherche Canada, est atteinte de polyarthrite rhumatoïde, et elle a plus de 30 tatouages sur le corps. Pour elle, les tatouages sont synonymes d’autonomisation, et ils lui donnent l’impression de reprendre le contrôle sur son corps, un contrôle que l’arthrite lui avait volé.
« J’ai un tatouage au poignet droit, avec le ruban de sensibilisation à la polyarthrite rhumatoïde et le mot Fighter (Combattante), pour me rappeler que je dois continuer à me battre contre ma maladie auto-immune », indique Mme Davidson. « J’ai choisi le poignet droit parce que c’est la partie la plus douloureuse de mon corps. »
Steve Sutherland, un autre membre du Conseil consultatif des patients atteints d’arthrite d’Arthrite-recherche Canada, vit avec la polyarthrite rhumatoïde. Il s’est fait tatouer sept fois, et il est d’accord avec Eileen.
« Du côté positif, les tatouages peuvent aider les gens à se réapproprier leur image corporelle tout en leur offrant un moyen créatif de s’exprimer », dit-il. « Les tatouages nous permettent de partager nos histoires, nos expériences et ce en quoi nous croyons. »
À la clinique de rhumatologie de la Dre Carruthers, un tatouage en particulier joue un rôle thérapeutique pour les patients.
« Mon assistante médicale, Lisa, a un tatouage sur le bras, et nous l’utilisons comme distraction lorsque nous travaillons sur les articulations des patients », explique-t-elle.
Le tatouage est une citation de If Tomorrow Never Comes, de Garth Brooks, la chanson préférée de son père. Lorsqu’elle leur tient la main, les patients peuvent voir le tatouage sur son bras et en parler.
« Le fait que des membres de notre équipe soient tatoués est une bonne chose », ajoute la Dre Carruthers. « Les patients pensent aux tatouages et à la signification de l’art visuel plutôt qu’à la manipulation articulaire. »

Quelques maux pour un bien
Pourquoi des gens qui souffrent déjà régulièrement à cause de l’arthrite choisiraient-ils d’endurer plus de douleur uniquement pour se faire tatouer?
« Je pense que pour beaucoup d’entre nous, la poussée d’adrénaline est importante, et elle peut être thérapeutique. Cela m’a vraiment permis de voir la douleur sous un autre angle », explique Steve.
Lorsqu’il se fait tatouer, ses trois principales préoccupations sont la douleur, la récupération et l’infection.
« Il faut absolument travailler avec un bon artiste pour éviter les problèmes », ajoute-t-il.
Eileen souligne qu’il est important de consulter son médecin avant de se faire tatouer, de suivre les directives du tatoueur après l’intervention, et d’être à l’écoute de son corps pour que l’expérience du tatouage soit réussie.
En ce qui concerne le lien potentiel entre les tatouages et les poussées, la Dre Carruthers indique que les personnes qui ont des poussées ont tendance à éviter les tatouages, mais que les tatouages ne déclenchent pas nécessairement de poussées.
« Si une personne atteinte de polyarthrite rhumatoïde est en rémission, je ne pense pas qu’un tatouage va provoquer une poussée », explique-t-elle. « Si quelqu’un souhaite se faire tatouer pour la première fois, je lui conseille de demander à son médecin de famille s’il pense que c’est sans danger. »
Qui ne devrait pas se faire tatouer?
Selon la Dre Carruthers, il existe deux affections rhumatismales pour lesquelles les tatouages peuvent être déconseillés. La première est le syndrome d’Ehlers-Danlos, une maladie du tissu conjonctif, qui peut entraîner la formation de chéloïdes, c’est-à-dire une cicatrisation anormale en réponse à un traumatisme. La seconde est la sclérodermie, une maladie auto-immune qui provoque une inflammation et un épaississement de la peau et d’autres parties du corps.
« Le contact entre l’encre, les aiguilles et la peau pourrait créer des lésions locales », souligne la Dre Carruthers. « Ce sont les deux types d’arthrite pour lesquels les tatouages risquent de laisser des cicatrices. »
Elle insiste sur le fait que les tatouages ne présentent aucun danger pour les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde, de lupus ou d’arthrite psoriasique.